La fin du monde programmée
L'an 1000, croyaient les populations du Moyen Age, signifiait la fin du monde. La fin du premier millénaire devait être aussi celui de l'humanité. Les faits leur ont donné tord. La mécanique céleste existe depuis des milliards d'années, le calendrier grégorien n'emprunte aux astres que la période de révolution de la Terre autour du Soleil comme durée de l'année civile. Quant à l'année origine, celle de la naissance du Christ, elle est n'est pas liée au système solaire. Ainsi, une année qui finie tout rond comme l'an 1000 ou l'an 2000, comme tout autre date, n'a aucune signification d'ordre physique. Pourtant nombreux sont ceux qui veulent associer à une date rare (qui se termine par trois zéros successifs) des peurs, des névroses collectives. D'ailleurs le troisième millénaire ne commencera pas en l'an 2000 mais en l'an 2001, car les dates sont un décompte à partir d'une référence arbitraire et non une mesure. Ainsi il n'existe pas d'an 0 mais le décompte commença à partir de l'an 1, ainsi, le premier millénaire (1000 ans après) commence en l'an 1001. Tout comme l'on ne commence pas à compter un nombre de pommes par 0 mais par 1, le décompte des ans comme tout autre entité physique ou virtuelle commence par l'unité c'est-à-dire par 1. Par contre, une mesure — étant en fait une variation par rapport à une référence arbitraire — peut avoir 0 comme valeur, c'est à 0°C que l'eau gèle. De plus la survenue d'un phénomène cosmique rare est l'occasion d'interprétations surnaturelles, de remettre au goût du jour de vielles croyances qui à l'origine étaient destinées à expliquer des phénomènes inexpliqués, étranges, rares et par delà effrayants. Il est vrai que la survenue de la nuit en pleine journée d'été et la baisse de température qu'elle entraîne peut susciter la première fois de la crainte. Voir la vie plongée subitement dans les ténèbres nocturnes, le froid ; ne plus sentir la chaleur rassurante de l'astre qui dans bien des religions est associée à Dieu (Rà, le Dieu Soleil), ce Soleil qui apporte la lumière associée elle aussi aux divinités (la lumière divine apporte la vérité, paraît-il), est nécessaire à la photosynthèse qui permet aux végétaux — à la base de la chaîne alimentaire — de vivre. L'homme est actif le jour, sous la lumière du Soleil et non la nuit. Les éclipses où la Lune fait obstacle au Soleil furent bien des fois très mal vécues mais l'expérience nous a montré que ces phénomènes n'entraînaient pas la fin du monde. A une époque et dans une société où les sciences sont omniprésentes et savent expliquer et créer ce qui naguère semblait relever du surnaturel ou de la science-fiction, il est étonnant de voir un très grand nombre de gens s'éloigner des vérités scientifiques pour se réfugier dans un monde inaccessible aux scientifiques. Ce comportement de fuite par rapport à une science et une technique souvent étouffantes et qui conditionnent de plus en plus la vie des citoyens les conduisent pour certains vers les sectes. Pour échapper à une science qui cause de plus en plus de chamboulements éthiques et sociaux, qui déstabilise et crée la méfiance, les micro-sociétés refusant la médecine — symbole de la science de l'homme pour l'homme — semblent être la seule alternative pour quelques gens qui préfèrent se déresponsabiliser par rapport à une évolution de la société qu'ils trouvent sans doute trop rapide pour eux puisqu'ils se réfugient dans un contexte archaïque de soumission à un gourou qui fait fonction de Dieu et auquel ils se remettent totalement afin de ne pas assumer leur rôle dans la société, d'échapper à des remises en questions qui pourraient être douloureuses. |