Niveau : 3
Catégorie(s) : chimie

Pourquoi y a-t-il des trous dans la mie de pain ?

03/11/2000

Les trous observés dans la mie de pain sont des bulles de gaz emprisonnées lors de la cuisson de la pâte. Les processus chimiques en jeu sont plutôt complexes...

Le pain est composé de farine de blé, de levure pour faire monter la pâte, d'eau, de sel et éventuellement d'autres additifs secondaires. Votre baguette de pain ordinaire est composée de farine de blé avec un taux d'extraction de 75% c'est-à-dire que la farine extraite du blé ne représente qu'une fraction de la masse des grains de blé utilisés : les envellopes brunes des grains n'ont pas été conservées. Ce qui explique la couleur blanche de cette farine. Cette farine de blé est très complexe puisqu'elle est composée à 80% d'amidon qui est un polymère de glucose (c'est-à-dire une longue chaîne de milliers de molécules de sucre), de 2% de lipides et de nombreuses protéines dont des enzymes (une enzyme étant une protéine spécialisée) qui en présence d'eau et sous l'action mécanique du pétrissage fabriquent des glucides en cassant les molécules d'amidon. La levure utilisée est un champignion unicellulaire : le Saccharomyces cerevisiae.

La panification débute par le pétrissage d'un mélange de farine, d'eau et de levure. Ce pétrissage a pour effet de lier des protéines (glutélines et gliadines) les unes aux autres afin d'obtenir un réseau moléculaire élastique. Le pétrissage de la pâte emprisonne de l'air qui sera consommé par les levures dans une réaction de respiration selon l'équation bilan suivante :
C6H12O6 (glucose) + 6 O2 (dioxygène de l'air) ® 6 CO2 (dioxyde de carbone) + 6 H2O (eau)
Le gaz (dioxyde de carbone) résultant de cette réaction biologique sera pris au piège du réseau élastique glucidique. Quand à l'eau, elle a pour effet d'activer les enzymes (alpha et beta-amylase) qui produisent des glucides fermentiscibles (maltose, glucose) à partir des molécules d'amidon.

Après pétrissage, la pâte est stockée dans une cuve à pétrin à une température de 27°C où elle poura reposer tandit que les levures produisent une réaction de fermentation alcoolique après avoir épuisé l'air qui avait été pris au piège. Cette fermentation suit l'équation bilan :
C6H12O6 (glucose) ® 2 C2H5OH (éthanol) + 2 CO2 (dioxyde de carbone)
Cette fermentation produit elle aussi du gaz qui fait monter la pâte qui double ou triple de volume! Ensuite, le boulanger divise cette pâte en une multitude de petits bâtons qui deviendront des baguettes, en appliquant des coups de lame sur leur partie supérieur afin d'éviter des déchirures inésthétique lors de la cuisson.

La pâte est maintenant chauffée au four à 230°C pendant 20 minutes. La chaleur est un fort catalyseur de réaction chimique et biologique : on observe une forte accélération de la fermentation. Puis, passé 60°C, les protéines sont dénaturées (c'est-à-dire détruites) par coagulation : leur ponts disulfure sautent. Il faut savoir qu'une protéine (et donc aussi les enzymes) possède une fonction (c'est-à-dire une manière d'agir) qui dépend entièrement de sa configuration spaciale qui est elle-même déterminée par les emplacements d'atomes de souffre qui se lient deux à deux pour tordre la protéine dans l'espace à trois dimensions. Une chaleur excessive a pour effet de fournir suffisemment d'énergie pour casser ces liaisons chimiques entre atomes de souffre. La protéine redevient alors une vulgaire chaîne linéaire polypeptidique sans aucune utilité. Ainsi, la destruction des enzymes provoque l'arrêt de la fermentation. Plus aucune réaction n'a lieu. La gaz emprisonné se dilate sous l'effet de la chaleur tandit que l'amidon se solidifie, le gaz restera définitivement emprisoné par le réseau de polymères qui se solidifie : c'est l'empesage.

La mie est donc ce réseau figé plein de trous enfermant du gaz. L'éthanol réussi lui à s'évaporer alors que la surface externe de la pâte devient de la croûte : dure, croustillante et légèrement caramélisée du fait des jets de vapeur d'eau dans le four. Bon appétit!