La loi du tout ou rien

Nous l'avons vu, le changement d'état d'un système ne se fait par de manière uniforme. Lors de la surfusion, ce système devient instable : il entre en métastabilité, c'est-à-dire qu'il hésite entre deux comportements stables. Mais avant de passer à un état physique stable, on peut observer des fluctuations qui semblent relever du hasard. On a pu remarquer que les volumes les plus petits étaient sujets à des surfusions intenses pour lesquelles on observe des seuils plus probables d'arrêt de la surfusion formant en apparence une suite discontinue. Ces seuils restes identiques quelques soient les méthodes utilisées et les expérimentateurs (C. Lafargue en 1952, C. Boned en 1967, M. Lere-Porte en 1970). Cette théorie des seuils est également confirmée pour d'autres liquides tels que le mercure, le bismuth, l'étain.

De plus, il apparaît clairement lors de l'effet Mpemba que se sont les échantillons froids qui surfusionent le plus (malgré ce que laisserait penser l'expérience de David Auerbach). Plus un échantillon est pur, de faible volume et de température déjà assez proche du point de congélation, et plus il est difficile de lui faire atteindre la phase solide. On peut alors dire que ce système chaotique tend à résister au passage d'un état stable à un autre et adopte alors divers états quantifiés intermédiaires (l’importance de ces résistances est inversement proportionnelle à l’amplitude entre la température du système et son point de congélation). Peut-on alors parler de loi du tout ou rien ? Car en effet, seuls de brusques changements de conditions du milieu semblent permettre un réel changement d'état par les voies classiques (c'est-à-dire sans état intermédiaire visible). A l'inverse, des variations de températures de faibles amplitudes n'appellent pas de changement réel d'état physique contrairement à ce que prévoit la théorie (passage de 4°C à -10°C sans congélation de l’eau, ce qu’illustre l’effet Mpemba).

La loi du tout ou rien sur laquelle je m’appuie pour expliciter la surfusion, et de manière plus générale les états quantifiés, ressemble aux premiers abords à la loi du même nom qui explique la formation du message nerveux sensitif en neurologie. C’est pour une valeur suffisamment élevée (au dessus d’un certain seuil) de l’intensité d’une stimulation, qu’il y a formation d’un potentiel d’action (qui est proprement dit l’information nerveuse) en direction des centres nerveux sensitifs. On remarque lors des expérimentations que de faibles fluctuations de températures jusqu’à une valeur négative ne provoque pas de solidification de l’eau. Une congélation requière une brusque chute de température affectant tout l’échantillon. Peut-on envisager d’introduire les notions de sommation temporelle et de sommation spaciale, jusqu’alors le propre de la neurologie, afin de souligner l’importance des données de temps et de températures ? Car en effet, un échantillon passe par les voies normales des processus de changement d’états pour des changements de conditions environnementales brusques (température), affectant le système dans son intégrité. Alors que dans des conditions très particulières (pureté du cops utilisé, petit volume, absence de barrière diathermique...), l’évolution constante de la température et l’absence de perturbation mécanique, permettent l’entrée en métastabilité qui compromet le bon déroulement du processus de changement d’état.

Enfin, les diverses probabilités d’arrêt de la surfusion renvoient à des probabilités d’états quantiques car le système instable est soumis à un processus de non équilibre qui l’auto-organise qui permet à l’observateur de mesurer qualitativement l’importance de l’ordre macroscopique et donc le comportement "anormal" microscopique. Ce comportement dit anormal serait peut-être, tout au contraire tout à fait "normal" en tant qu’invisible dans les systèmes stables qui, par stabilité apparente, ne suscite pas d’interrogation.