Pendant la surfusion, on observe un retard au changement d'état, à la solidification. Or on sait qu'au passage à la phase solide, le système perd de l'énergie par diffusion de chaleur et que les molécules adoptent l'une des 7 formes cristallines existantes dans l'Univers. Ainsi les molécules perdent de l'agitation cinétique microscopique (ce qui se traduit dans le modèle macroscopique par une baisse de température), elles s'attirent beaucoup plus qu'avant, donc l'arrangement moléculaire se rapproche de plus en plus de celui de la glace, interdisant alors toute ascension par capillarité due à la tension superficielle (force tangentielle d'attraction qui dépend des forces intermoléculaires, de la température et des surfaces de contact). Il faut savoir que le point de nucléation, point auquel les cristaux de glace se forment, dépend de la présence de bulles de gaz, de germes de cristallisation et de la qualité de l’interface. Si les conditions sont favorables (absence de gaz dissout, de germe cristallin ; interface homogène), la surfusion continuera jusqu'à que les cristaux se forment spontanément (à une température extrême, et donc surfusion intense et degré de surfusion très élevé). Par ailleurs, on sait déjà que les variations d'état d'un système chimique ne sont pas rigoureusement constantes, mais présentent de petites (ou grandes lors de surfusions intenses) fluctuations dans le temps dues à la nature corpusculaire de la matière. Ces fluctuations homogènes sont causées par le mouvement brownien (l'agitation thermique), c'est-à-dire par le mouvement incessant des molécules d'eau dans l'échantillon. Or nous avons vu plus haut que lors de la surfusion, il y a perte de chaleur, ces fluctuations diminuent alors asymptotiquement jusqu'à l'arrêt de la surfusion. Dans les fluides newtoniens (formés de petites molécules de forme plus ou moins sphérique) comme ceux étudiés dans les 103 béchers d’Auerbach, le flux de la quantité de mouvement permettant la description des phénomènes de transports est déduit du coefficient de viscosité cher à Auerbach. Cette viscosité est en fait la résistance d'un fluide à l'écoulement. La viscosité cinématique citée par Auerbach ne dépend que de la température et les fluides newtoniens obéissent à la loi de la viscosité de Newton qui veut que la force de frottement soit proportionnelle au gradient de vitesse de l'écoulement. Or la température diminue, donc les molécules se déplacent moins vite et les frottements sont moins importants ce qui entraîne une perte de chaleur encore moindre ; ce qui explique que les fluctuations diminuent asymptotiquement jusqu’au retour à un état stable : le solide.
La thermodynamique établie que les phénomènes de transition de phase peuvent introduire des comportements nouveaux souvent spectaculaires : les structures dissipatives. Le cas du passage de la phase liquide à celle solide s'accompagne d'une disposition régulière de certaines propriétés moléculaires ou atomiques dans l'espace appelée brisement de symétrie. Lorsqu'un système non linéaire est très loin de l'équilibre thermodynamique, des comportements complexes et des brisements de symétrie peuvent avoir lieu. Ce qui induit que plus un système est instable, plus sont évolution relève du hasard. Cela nous confirme que pour des degrés de surfusion élevé ou non, le moment de la nucléation est imprévisible.
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Nous avons déjà pu voir que la température de nucléation de l'eau est d'autant plus basse que le volume correspondant est faible. Prenons l'exemple de la congélation d'un grand et d'un petit volume d'eau. Dans le golfe du Saint-Laurent, en novembre, l'océan commence à geler pour former la banquise. Les cristaux de glace commencent à s'agglomérer à la surface de l'eau. Ainsi, en une demi-heure, il peut s'être formé des plateaux arrondis de glace issus de collisions et d'agglomérations avec ses voisins : les pancakes ices (disent les Anglo-Saxons). Les premiers cristaux de glaces se forment dès que les courants le permettent, avec Ta=-30°C ; l'amplitude de la surfusion est de 10°C dans les meilleurs conditions. Alors que pour des gouttelettes de nuage de quelques attomètres cubes, le temps avant la congélation homogène est très long et les températures atteintes sont très basses (-40°C). Je rappelle que ni l'eau des océans ni l'eau des nuages n'est pure, les gouttelettes contiennent des impuretés (sable, sel, poussière, etc.) et des germes de glace (de quelques Angströms) préexistent au sein du liquide et sont susceptibles d'amorcer la cristallisation.