Introduction

Quand la physique nous joue des tours.

La notion de changement d’état est à revoir car une multitude d’états intermédiaires, que l’on ne peut pas encore dénombrer, conditionnent la réussite des processus industriels et ceux de laboratoire. Certains peuvent être observés tous les jours (surfusion). La matière n’en fait qu’à sa tête : passage ou non à un autre état fondamentale stable ? interrogez la loi du tout ou rien tout en flirtant avec le chaos...

schéma des changements d'états
schéma des changements d'états de la matière

On nous inculque dès notre plus jeune âge que la matière existe sous trois formes distinctes (solide, liquide et gazeuse) et que l’on passe de l’une à l’autre toujours sous les mêmes conditions (de température et de pression). D’ailleurs, cela coule de source ; ne vivons nous pas dans un monde où l’on respire de l’air gazeux, où l’on boit de la grenadine liquide et où l’on s’assoie sur des chaises dures ?!!! Nous baignons dans un monde dans lequel ces trois états physiques de la matière représentent 100% de notre quotidien et il est si facile de faire évaporer une casserole d’eau, de faire fondre sa crème glacée et de former des cristaux de glace par condensation en expirant sur la paroi d’une vitre en hiver...

Des préjugés hantent notre civilisation : il n’existe que trois états de la matière, on peut passer de l’un à un autre rien qu’en changeant un paramètre (température). C’est faux et archi-faux ! Tout d’abord, on passe d’un état à un autre par tout une série d’états intermédiaires qui ne sont réellement visibles que dans les systèmes hautement instables. Ces états dit "quantifiés" sont en règle générale de très courte durée et peu significatifs dans notre quotidien. Mais dans des conditions particulières, ces états intermédiaires sont proprement spectaculaires ; par exemple on peut trouver de l’eau liquide à -40°C ! Ensuite, le comportement intime de la matière ne dépend pas que de la température ou de la pression, mais aussi d’innombrables autres paramètres tels que les champs (magnétiques, électriques, etc.), l’agitation thermique, la présence d’impuretés et bien d’autres encore... qui ont été délibérément oubliés dans les équations standards par soucis de clarté et de simplicité... et aussi par manque de connaissances. Et ce n’est pas tout, le hasard est lui aussi de la partie ! Les processus de changement d’état sont soumis à un très grand nombre de paramètres, ils sont non linéaires (c’est-à-dire qu’ils ne peuvent êtres explicités que par des équations extrêmement difficiles à déterminer et à manipuler : les équations différentielles). Ainsi, l’avenir des systèmes instables sur lesquels je me suis penché est impossible à prédire à long terme, on ne peut faire que des approximations à cours terme, comme pour la météo.

Le comportement de la matière est en réalité si bizarre que l’on dénombre une quantité impressionnante d’autres états que l’on n’observe que dans des conditions très particulières voire extrêmes. Par exemple, la superfluidité affecte l’Hélium au voisinage du zéro absolu (vers -270°C) ; le plasma n’existe pas sur Terre mais représente l’état de 99% de la matière visible de l’univers. Mais d’autres ont lieu dans notre vie quotidienne : l’état colloïdale, c’est le gel, la plupart de nos organes sont dans cet état là ; les cristaux-liquides présentent des propriétés particulièrement appréciables pour l’affichage des montres à quartz ; la surfusion est un cas particulier, elle regroupe des états intermédiaires, elle affecte les systèmes thermodynamiques instables lors du passage entre l’état solide et l’état liquide.

Mais alors, pourquoi apprenons-nous à l’école qu’il n’existe que trois états de la matière dont les transitions sont caractérisées par des conditions immuables ? Tous simplement par tradition. Les savants des époques passées attribuaient les états physiques à l’apparence de la matière : le sol était solide, le ruisseau était liquide et l’éther (l’air) était gazeux. Les chimistes d’entant considéraient même le feu comme un état physique ! Mais dorénavant, les scientifiques sont beaucoup plus rigoureux et disposent de moyens techniques leur permettant d’être moins grossiers dans leur interprétations. Ils ont donc commencé par redéfinir la notion d’état qui est la suivante :
Dans un solide, les atomes sont bien arrangés en rang serrés, ils se tiennent si fort de peur de se perdre, qu’il n’y a aucun mouvement des uns par rapport aux autres possible. A l’état liquide, les atomes ont un peu plus chaud, ils ne tiennent pas en place : ils remuent et gagnent ainsi une certaine liberté de mouvement tout en étant toujours liés. A l’état gazeux les atomes ont littéralement le peu au c... : ils bougent en tous sens, ils sont totalement libérés les uns des autres, ils s’échappent ou se cognent entre eux s’ils sont enfermés dans un récipient. Vous aurez remarqué que l’élévation de la température dans le modèle macroscopique (échelle humaine) correspond à une augmentation de la vitesse des particules à l’échelle microscopique.

Le mathématicien et physicien Robert May introduisit l’idée que les équations simples standards des processus de changement d’état ne pouvaient représenter parfaitement la réalité et qu’elles n’étaient que des modèles issus d’une simplification des phénomènes par élimination de nombreux petits paramètres qui ont pourtant leur importance. Une nouvelle science devait donc voir le jour pour palier à ce manque.

Les seuls moyens d’étude de ces systèmes sont la dynamique non linéaire avec la théorie du chaos. Cette théorie mathématique très connue qui fut notamment citée dans Jurassic Park, Scream 2, etc. est une science assez nouvelle qui fait appel à des méthodes et des concepts qui mettent à mal notre intuition familière et la vision quotidienne que nous avons des objets. Le chaos se sert des espaces de phase comme représentation graphique des équations qui régissent les systèmes non linéaires. Les courbes obtenues, alors qu’elles représentent le hasard, sont tout à fait extraordinaires : on peut y entrevoir l’ordre grâce à ses attracteurs étranges aux dimensions fractales dont le périmètre est infini alors que leur aire est fini. Ces formes caractéristiques du hasard, de l’apériodicité, de l’imprédicibilité sont pourtant régulières et ordonnées ! Leur principale caractéristique est l’invariance d’échelle, c’est-à-dire la répétition du même motif à toutes les échelles. Désormais, la dynamique non linéaire pouvait être abordée avec optimisme car la géométrie de Mandelbrot est la véritable géométrie de la nature : nuages, côtes bretonnes, pendules, robinets qui fuient... tous les phénomènes jusqu’alors insolubles par les méthodes classiques puisque soumis aux instabilités, trouvent une réponse grâce à l’ordre, aux régularités que l’on trouve finalement dans leurs structures pourtant liées au hasard. Si le chaos est si connu du grand public, c’est grâce aux images fractales conçues sur informatique qui sont si belles à regarder ; normal, elles sont le reflet de l’ordre de la nature tout en étant des fonctions décrivant le comportement aléatoire de systèmes dynamiques. Voir aussi Images fractales pour une liste d'images fractales anotées.

Les scientifiques semblent assez frileux quant à prendre en compte tous ces états intermédiaires dit aussi "phénomènes parasites" comme par exemple la surfusion. Et ce, à cause de la complexité des systèmes à étudier et le manque de connaissances... Même si aujourd’hui la théorie du chaos et la thermodynamique statistique offrent des moyens d’analyse, la surfusion n’a pourtant jamais été étudiée grâce au chaos, jusqu’à présent. Et en plus, les expérimentations ont la fâcheuse tendance à précéder la théorie, ce qui ne facilite évidement pas l’élaboration de nouvelles lois théoriques rigoureuses. Kuhn écrivit en 1962 dans ce sens que "les nouvelles théories apparaissent sous la pression de nouveaux faits expérimentaux."
Pourtant, si la recherche dans ce domaine apporte plus de questions que de réponses, on ne peut nier son utilité. Les changements d’états (et plus généralement les transitions de phase), leur connaissance et leur maîtrise apporteraient énormément aux industries pharmaceutiques, aéronautiques, spaciales, militaires et civiles (métallurgie)... En effet, la fabrication de comprimés d’aspirine (cristallographie), d’alliages composites pour avion, l’entretien des canalisations en hiver et autres, réclament une maîtrise parfaite des phénomènes de transition de phase. L’étude de ces phénomènes par le chaos permettra à terme une meilleur qualité, une réduction des coûts par l’absence de "tatonage" et des avancées technologiques par le besoin de nouveaux instruments de mesures toujours plus performants. Voir aussi Applications pour une liste de possibilités qu'offre la théorie du chaos.

L’étude qui va suivre n’est pas une thèse, elle ne veut pas non plus révolutionner les sciences mais seulement faire le point sur notre interprétation des phénomènes de transition de phase qui sont tellement en contradiction avec notre vision quotidienne ainsi que sur leurs moyens d’analyses liés au chaos ; chaos qui est selon moi la science primordiale de demain. J’ai commencé cette étude en classe de Terminale scientifique avec le soutien de quelques copains et de mon professeur de physique-chimie.
Il m’a fallu avant tout poser des bases théoriques afin d’arriver aux bonnes questions et de rejoindre ainsi les hypothèses élevées par certains scientifiques et pour enfin mettre en évidence des similitudes entre de très nombreux phénomènes appartenant à des domaines très variés : physique, biologie, économie... Cette étude se sert d’un exemple illustratif : l’eau entrant en métastabilité lors de l’effet Mpemba (=la surfusion).

Cette étude: